Enfant, Humeur

Il y a des soirs comme ça

Ce soir, en me posant enfin, je me suis dit que je voudrais partir loin. Très loin. Sur une île déserte et paradisiaque. Sans cris. Sans pleurs. Sans mari. Et même sans internet. Seule.

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Il faut dire que ma soirée a été difficile. Bien plus que d’habitude. D’abord, Ernestine a fait tomber Gustave, son nez a heurté le sol. Et il a saigné, sans discontinuer. Et les deux qui pleurent. Sans discontinuer aussi. Le mal de tête qui s’installe. Chez toi aussi quand ton troizans comprend qu’il / elle a fait une bêtise, c’est les chutes du Niagara ? C’est un truc qui m’exaspère. Quand on fait une connerie, on assume et on répare les conséquences. C’est pas compliqué pourtant. Pour ma fille, c’est une autre histoire. Quand elle sait qu’elle n’a pas agit correctement, elle pleure toutes les larmes de son corps, comme si la victime de l’affaire, c’est elle.

Nous voilà donc dehors. Il fait 8°C. Gustave n’a pas son manteau, pas de pull (mais il ne saigne plus) (mais il refuse son manteau). Ma poussette n’a que deux places, aucun des trois ne veut marcher. Je négocie, marchande tant que je peux. Il y en a toujours un qui est mécontent. Mathématique.

On arrive enfin à la maison. Un peu de calme. Le calme dure approximativement 20 secondes. Les trois pleurent à l’unisson. Pour un manteau qui ne s’enlève pas tout seul, un doudou coincé dans la poussette, un jeu en hauteur… Et moi j’ai les courses à ranger, le repas à préparer, le bain à donner.

Ils sont épuisés. Moi aussi. Je m’énerve. Je ne crie pas. Je me contiens mais je ne sais pas si c’est mieux. Mes gestes sont brusques. Mes phrases cinglantes.

Les enfants ont bien compris mon état. Et comme ce sont des enfants, ils me cherchent, me testent, me provoquent. Et je leur en veux. Et je m’en veux de leur en vouloir. Je me dis que ce sont peut-être nos deux derniers mois paisibles. Je déteste gronder Alphonse. Je n’apprécie pas non plus gronder Ernestine ou Gustave. Mais des fois, ils me poussent à bout.

Alors ce soir, aussitôt après avoir pensé à l’île déserte, je me suis dit que ce n’était pas suffisant. Le problème de l’île déserte, c’est que je reste moi. Je conserve mes facultés de réflexions et mes compétences cognitives. Et je ne suis pas sûre que ce soit ce dont j’ai besoin.

Alors je me suis dit que plutôt d’être là où je ne peux aller, je voudrais devenir quelque chose que je ne peux être. Un animal, sans conscience aucune. Sans notion de bien ou de mal, qui vit une vie courte, inintéressante probablement, mais insouciante.

Il y a des soirs comme ça. Des soirs qui déraillent. Des soirs qui nous vident littéralement. Des soirs qui nous font nous demander pourquoi diable avons-nous des enfants ? Des fois ce sont aussi des matins, qui nous font arrivés exsangues au travail.

Et puis on se pose. On prend un peu de recul. On souffle un grand coup. Et puis on se souvient de tous ces autres soirs, de tous ces autres matins. Ceux qui sont faits de rires, de jeux et de disputes. De phrases toutes mignonnes, de gestes tendres.

Et je me dis que si le prix à payer pour tant de bonheur c’est quelques soirées éreintantes, quelques nuits épuisantes alors ce prix, je le paye sans sourciller. Sans mes enfants, aujourd’hui, je ne serai rien.

16 réflexions au sujet de “Il y a des soirs comme ça”

  1. Je compatis, ce moment où tu rentres dans la maison avec en tête la to do list du soir longue comme le bras (préparer le repad, les jeter dans le bain, l’éponge la vaisselle et le balais, …) et où tout dérape et que ça pleure danx tous les sens 😨😥
    De temps en temps, je me dit que je voudrais redevenir un foetus, juste resté en apesanteur dans un liquide à la température idéale 😘

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  2. Je compatis, en ce moment la Biscotte alterne entre des moments de mignonitude extrême où elle est très câline avec moi, nous dit plein de mots doux et puis les jours où elle dit non à tout, où mettre un tee-shirt, même si c’est elle qui l’a choisi, devient un parcours du combattant. Je sais que l’arrivée imminente de la petite sœur y est surement pour beaucoup mais parfois c’est épuisant. Mais heureusement aussi parfois (souvent) c’est juste trop mignon !

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  3. C’est tellement ça… On vit toutes régulièrement ce genre de situations, en ce sentant d’autant plus coupables de ressentir ça que de l’extérieur, ça ne semble au final pas grand chose. Mais ça demande tant d’énergie!
    Moi quand j’arrive comme ça à saturation, en général je craque un bon coup, et puis la pression retombe, et ça va mieux, et bizarrement les enfants doivent d’ailleurs le sentir car ils se calment. J’espère que la tension est retombée et que ça va un peu mieux!

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    1. Oh oui. Rien que le lendemain soir était beaucoup mieux ! Mais j’avoue avoir écrit une bonne partie de ce billet à la suite de ce soir catastrophique et j’ai décidé de le garder presque tel quel, parce qu’au final, le quotidien d’un parent c’est ça aussi.

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  4. Rah mon commentaire n’est pas passé!
    Bref, je te disais que j’avais lu ton billet hier soir, après non pas ‘un soir comme ça’ mais ‘une journée comme ça’ et que j’étais pleine de compassion pour toi.
    Et je t’admire pour ta capacité à intérioriser, moi je fini par crier avec.

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    1. My god, une journée entière comme ça, quelle plaie !!!
      Et franchement je crie très rarement. Mais je ne suis pas sûre qu’intérioriser comme je le fais soit beaucoup mieux. Tu vois le mec que tu sens à fleur de peau et qu’il ne faut surtout pas contrarié ? C’est moi 😀

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  5. Je compatis tellement… Le genre de crise qui arrive dans toutes les familles qu’il y ait 1, 2, 3 enfants ou plus… Bon je t’accorde qu’avec 3 enfants, tu es sûrement plus confrontée à ce risque que moi 😉 Bon courage et souffle un bon coup la prochaine fois 🙂

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